Propos artistiques

NOTE D’INTENTION

Depuis 2007 je travaille une série photographique faisant l’objet d’une visualisation autour du thème du nouvel animisme de notre urbanité intitulée « Archanges urbains »; c’est la mise en scène de jeunes icônes dans un décor urbain.

Celles-ci ont un rapport avec une réalité économique, historique et culturelle.

Les panoramas des métropoles que je photographie correspondent à des lieux où l’urbain prend le pas sur l’humain. La solution pour résister et espérer se trouve peut-être alors dans le divin. Il n’y a pas de religion qui prédomine, c’est pourquoi j’ai choisi le chemin de l’animisme symbolisé par ces jeunes filles. Elles ne sont ni déesses ni objets de culte, mais une conception de l’espoir que l’on peut trouver au fond de chacun de nous. À nous de projeter celui-ci dans l’urbanité dévorante en matérialisant celle qui nous touche. C’est une autre façon de voir la ville.

Un élément appartenant au panorama doit me permettre d’ancrer l’icône dans l’image.  Par la suite, lors de la prise de vue en studio, je recrée la forme sur laquelle elle doit être installée dans le décor afin de pouvoir l’y intégrer le plus naturellement possible. Il en est de même pour la lumière.

Le référent est l’archange « Grotte », c’est l’icône traditionnelle, elle est non urbaine. La dernière image de la partition est l’archange « Immolée » dont le cœur écorché met en exergue la présence des autres cœurs. Aujourd’hui, la collection comporte 26 archanges.

Jean-Paul Lefret

PROPOS ARTISTIQUE

A travers son parcours autour du monde, Jean-Paul Lefret construit des images où la ville, dans sa dimension effrénée et déchaînée, accueille toujours, quelque part, « un cœur battant et son gardien tranquille ». Ces représentations, qui incarnent une entrée en résistance contre l’érosion de l’humain (de la Chine au Brésil, de New York à Paris), nous alertent et nous apaisent. Elles ressemblent à des icônes, mais portent  le signe matériel d’une humanité qui s’étiole et qui pourtant résiste : un cœur… Qu’elles arborent comme « un nouvel animisme pour notre modernité, au cœur de l’urbanité ». Du matériel au spirituel, le chemin s’inverse à l’infini.

« Enchantez la vulgaire réalité » écrivait Apollinaire…

Philippe Pataud Célérier, auteur et journaliste, nous remet en mémoire cette citation du poète, pour décrire le travail de Jean-Paul Lefret.

« Ce à quoi semblent faire écho ces frêles adolescentes comme tombées par effraction dans un monde qui n’était pas le leur mais dont elles prennent possession, presque sur la pointe des pieds, le regard droit devant elles, nuque parfois de côté.

Elles sont pourtant sereines, auréolées d’une sainteté qui paraît irréelle dans les lieux où elles se manifestent : piste d’atterrissage, périphérique, parking de supermarché, tunnel de métro… Aussi irréels que ces lieux qui n’en sont pas ou sont plus exactement les non-lieux bien réels de notre urbaine modernité. Elles se tiennent là, en contact avec un monde qu’elles ont réduit à l’échelle d’un barreau comme portées par la grâce aérienne des oiseaux dont on chercherait en vain dans le pli des drapés quelques traces de polychromies.

Car elles sont bel et bien vivantes. Et elles sont d’autant plus présentes que leur immobilité contraste avec ce monde qui, lui, ne semble être là que de passage.

Audacieux renversement de perspectives – le monde passe, nous restons – dont seuls sont capables les adolescents avant que ne leur soit inoculée cette raison qui empêtre. Mais que signifie ce cœur, sorte de matricule ventricule, que chacune arbore et qui prend la matière, la couleur du milieu dans lequel il se fond : plumes d’oiseau pour l’une, étiquettes de produits de consommation pour l’autre ?…

En « réincoeurporant » ces espaces désincarnés où s’éprouve solitairement de plus en plus durement la communauté des hommes, ne nous invitent-elles pas à penser à nouveau le territoire comme un corps humain ? Nouvel animisme qui à force d’être chassé de la nature se refugierait dans notre envahissante urbanité ?

Tendre un cœur au cœur de ces non-lieux, c’est finalement en chercher les battements qui pulseront notre imaginaire pour faire en sorte que celui-ci ne se rétrécisse pas à mesure que croissent ces non-lieux. Ces jeunes filles en auront-elles le pouvoir ? »

Jean-Paul Lefret et ses variations, une démarche progressive.

Archanges Urbains concept

Tout commence par la recherche ou la découverte d’un paysage urbain qui permet d’exprimer au mieux l’idée d’animisme. Le plus souvent, j’essaie de repérer un élément du décor sur lequel je puisse poser l’icône. Ce travail est en perpétuelle progression, en parallèle avec les variations de notre société.